A ma soeur Cécile, traversée par la vie passante et éternelle..
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Photo de Boubat
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" Un homme arrive au paradis. Il demande à un ange, à son ange, de lui montrer le chemin qu'ont dessiné ses pas sur terre, par curiosité.
Par enfantin désir de voir et de savoir.
Rien de plus simple, dit l'ange.
L'homme contemple la trace de ses pas sur cette terre, depuis son enfance jusqu'à son dernier souffle.
Quelque chose l'étonne parfois, il n'y a plus de traces.
Parfois, le chemin s'interrompt et ne reprend que bien plus loin.
L'ange dit alors parfois votre vie était trop lourde pour que vous puissiez la porter. je vous prenais donc dans mes bras, jusqu'au jour suivant où la joie vous revenait, et alors vous repreniez votre chemin."
Christian Bobin, " La vie passante " (Fata Morgana,1990)
L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi - vers l'autre là-bas, comme nous égaré dans le noir.
Quand on est amoureux on parle à son amour et on ne parle qu'à lui seul. Partout, toujours. Et que dit-on à son amour ? On lui dit qu'on l'aime, ce qui n'est presque rien dire - sinon le presque rien d'un sourire, le balbutiement d'un serviteur à son maître qui le comble, qui le comble mille fois trop.
Le mouvement des corps et celui des pensées, le fou rire d'un ruisseau et l'effarouchement des bêtes sous les buissons, tout va ensemble, tout fait une seule étoffe, entrelaçant l'air et le songe, le visible et l'invisible. C.Bobin
Se taire: l'avancée en solitude, loin de dessiner une clôture, ouvre la seule et durable et réelle voie d'accès aux autres, à cette altérité qui est en nous et qui est dans les autres comme l'ombre portée d'un astre, solaire, bienveillant.